DEVOIR DE MEMOIRE : TEMOIGNAGE : GHALY LE FLINGUEUR Par BoyeAlassane Harouna

اثنين, 02/03/2020 - 08:33

rassed : «… Je m’en fous, celui qui décorne je le flingue et je rends  compte qu’il est mort de diarrhée ». C’est le lieutenant Ghaly, nouveau patron du fort qui parle. II s’adresse a un groupe de détenus. Et c’est pendant ses tout premiers jours au fort. Des énormités de  cette facture-la, a base de cynisme, d’enfantillage ou de vulgarité, qui illustrent bien certains traits de sa personnalité, le lieutenant  Ghaly nous en fournira une bonne quantité. Presque quotidiennement, pendant tout le temps qu’il fera au fort. Cette sortie sadique et gratuite lui vaudra de la part de certains détenus le surnom de « Flingueur ».
Le lieutenant Ghaly avait-il eu de la part de ses chefs pour consignes de nous rudoyer ? Et en officier béni oui-oui, s’était-il borné a exécuter à la lettre ces instructions, sans discernement ? Ou bien s’estimant nanti du feu vert de ses chefs, donna- t-il libre cours, dans l’application des instructions qu’il avait, à des excès de zèle, à l’arrogance, au cynisme ? Tout ceci réuni pourrait avoir dicte son comportement a l’égard des détenus. Quoiqu’il en
soit, le lieutenant Ghaly débarque au fort le 3 janvier 1988 avec  une volonté manifeste de maltraiter les détenus en les humiliant.  Dans ses bagages, les fameuses chaines destinées a nous ferrer. Ainsi que six de nos camarades : Gorgui Sarr, Sambou Youba, Ly Moussa Hamet, Diallo Alassane, Toumbo Haby et Sy Abdoulaye Malikel. Arrêtés en septembre 1986 à  Nouadhibou, ils y furent jugés et emprisonnés jusqu’à leur transfert à Oualata. 
Autant par ses expressions argotiques tantôt teintées d’enfantillage, tantôt de vulgarité, que par sa démarche et sa manière de porter son pistolet, le lieutenant « flingueur » donnait plus  l’image d’un personnage d’un western que celle d’un officier. Pour un rien il fulminait contre les détenus. Durcissait les conditions de   détention. Infligeait des sanctions extrêmes sans aucune mesure  avec ce qu’il qualifiait de faute. Il avait un côté théâtral répugnant.
Tout était pour lui prétexte pour montrer qu’il était seul maitre à bord. Comme si quelqu’un contestait cette fonction nullement enviable. II lui arrivait aussi de manifester une propension aux débats  avec les détenus. Mais oubliait que sur ce plan, la qualité de « patron » du fort ne se conjuguait pas forcement avec qualité du raisonnement et lucidité analytique. II ne supportait pas la contradiction. II la considérait comme un délit de lèse-majesté, une atteinte a son autorité, une avanie. Dans ce cas, il sévissait. Ce qui arriva le 6 janvier 1988. Trois jours seulement après son arrivée au fort. Ce jour-la, au cours d’une discussion qu’il provoqua, notre camarade SALL Ibrahima lui fit remarquer que les chaines que les détenus portaient aux pieds étaient incompatibles avec les travaux  qu’ils effectuaient et qu’elles relevaient d’une pratique esclavagiste  d’un autre siècle. Assortie d’exemples historiques, la réflexion de  notre camarade faite avec autorité et sur un ton professoral, fut perçue par le « flingueur » comme une offense personnelle.
Toujours a l’affut du moindre prétexte pour sévir, le « flingueur » ne laissa pas l’occasion lui échapper. II décréta que notre camarade fut ligote, torturé  et exposé  au soleil au milieu de la cour, de façon qu’il soit visible des autres détenus.

Extrait de «  J’étais à Oualata » de BOYE Alassane Harouna
(Pages 97 et 98)